Maurice Agulhon

Maurice Agulhon

Le fonds témoigne de la multiciplicité de domaines d’activité de Maurice Agulhon qui couvrent la période de 1923 à 2011. Il est constitué des archives liées à ses activités professionnelles de professeur et de chercheur et à ses activités personnelles d’homme politiquement engagé. Le fonds contient une partie importante de correspondance, mêlant à la fois la vie professionnelle et la vie privée de Maurice Agulhon. Peu de documents concernent l'activité de Maurice Agulhon à l'Ecole nomale supérieure, hormis son engagement politique. Il s'agit donc d'un fonds scientifique mais aussi privé. Le fonds comprend des documents relatifs à sa vie privée qui n'ont pas vocation à être communiqués.

Les documents personnels les plus anciens conservés par Maurice Agulhon datent de 1945 à 1950 et concernent son activité militante à l'Ecole normale supérieure au Syndicat des élèves (section du SNES) où il était membre du bureau, et en tant qu'affilié au Parti communiste français, où il fut aussi membre du comité de la section ainsi que du groupe de travail des historiens et géographes. Le fonds relève de toutes ces activités: notes manuscrites et rapports des conférences de section, comptes rendus des réunions, correspondance, propagande, brochures et coupures de presse.

Ses archives rendent également compte de ses prises de position politique au cours des années: appui aux candidats de gauche aux élections présidentielles et municipales, pro-européen dans les campagnes pour les referendum de 1992 et 2005 et soutiens militants divers. Il entretient également de la correspondance avec plusieurs leaders politiques tels que Lionel Jospin, Michel Rocard et Jean-Pierre Chevènement.

De ses archives d'enseignant, Maurice Agulhon a conservé des notes personnelles et papiers dès 1957 quand il devient assistant auprès de Pierre Guiral à la Faculté des Lettres d'Aix-en-Provence où il franchit toutes les étapes jusqu'au professorat (maître-assistant en 1963, chargé de maîtrise de conférences en 1967 et maître de conférences en 1969): des notes des exposés, des notes autour de la problématique de sa thèse, des notes rélevant des affaires d'organisation interne et des comptes rendus des réunions des assemblées générales de la faculté des Lettres d'Aix de la période de l'année 1968. En tant que membre du bureau national du Syndicat National de l'Enseignement Supérieur (FEN), il écrit un memento chronologique manuscrit des événements de mai 68 et on retrouve des documents susceptibles de servir à tout chercheur désireux d'étudier le mouvement.

De son activité d'enseignement à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne et surtout au Collège de France, il conserve les dossiers d'organisation interne concernant le recrutement, les comptes rendus des réunions d'assemblées des professeurs, des bilans d'activité scientifique, des documents relatifs à sa direction de thèses ainsi qu'un dossier sur la publication de l'histoire du Collège.

Les archives concernant ses recherches scientifiques comprennent d’une part, des dossiers de travail contenant des coupures de presse, des textes annotés, des notes de travail, des notes de lecture, des photographies et des notes de terrain, liées principalement à ses travaux sur la symbolique républicaine, notamment à sa trilogie sur la figure de Marianne: Marianne au combat (1979), Marianne au pouvoir (1989) et Les Métamorphoses de Marianne (2001), qu'il appel Marianne I, Marianne II, Marianne III et aussi un projet de Marianne IV; ainsi qu'à l'ouvrage De Gaulle, histoire, symbole, mythe (2000).

Le fonds est riche de l’ensemble des notes de travail de l’historien, qu’il s’agisse des notes thématiques, des notes de terrain, des notes de cours et des notes préparatoires aux articles.

D’autre part, Maurice Agulhon était aussi l’objet de multiples sollicitations aussi bien en France qu’à l’étranger: préfaces, conférences, séminaires, hommages, entretiens, cérémonies publiques. Le fonds comprends des manuscrits et dactylographiés, publiés ou non, de nombreux articles et conférences portant sur des sujets variés concernant ses principaux travaux de recherche sur l’historiographie contemporaine tels que la Révolution française et les droits de l’homme, la sociabilité et la convivialité, la laicité, les cérémonies nationales, l’idée de république et politique actuelle.

En tant que membre du conseil scientifique de plusieurs sociétés savantes le fonds comporte également les dossiers relatifs à sa participations aux activités et réunions de la Société d’Histoire de la Révolution de 1848 (1975-1981), Société d’études jaurésiennes (1981-2004), Société d’Ethnologie Française (1975-2006), Société d’études renaniennes (1986-2001), Société Internationale d'Histoire de l'Affaire Dreyfus (1995-2004) et Haut comité des célébrations nationales (1998-2007).

Des dossiers de presse très fournis à propos de la reception de ses principaux ouvrages et une importante correspondance personnelle et professionnelle permet de comprendre les liens de l’historien avec des collègues aussi divers viennent se joindre à cet ensemble.

Maurice Agulhon (1926-2014) est né à Uzès (Gard) dans une famille d'instituteurs laïcs de confession protestante. Entre 1936 à 1943, il quitte son village natal pour poursuivre ses études secondaires au lycée Frédéric Mistral d'Avignon, et ensuite, au lycée du Parc à Lyon de 1943 à 1946 où il a eu pour professeur d'histoire Joseph Hours (1896-1963) qui l'a profondément influencé. En 1946 il entre à la prestigieuse Ecole normale supérieure à Paris où il obtient l'agrégation en 1950. Il fait partie de la même promotion que François Bédarida, Michel Foucault, Marcel Roncayolo, Pierre Jeannin et Paul Viallaneix.

C'est à la rue d'Ulm qu'il va s'engager politiquement et adhérer au Parti Communiste pendant 14 ans (1946-1960). Attiré par le projet marxiste, il milita à la fois à l'ENS et dans la section du Vème arrondissement aux cotés d'André Charpentier (promotion 1948), Emmanuel Le Roy Ladurie (promotion 1949), Louis Althusser, Maurice Caveing, Michel Crouzet et Roger Fayolle. Il fut membre du comité de la section communiste, du bureau du syndicat des élèves (section du SNES) et également de la Confédération Générale des Travailleurs où il se chargeait des rapports avec les autres écoles normales supérieures ; devient son secrétaire de 1947 à 1949.

À côté de son engagement politique, il continue de brillantes études à la Sorbonne où il obtient un diplôme d'études supérieures. Il commence une première thèse sur « Les origines de la tradition républicaine » dans le Var sous la direction d'Ernest Labrousse, titulaire de la chaire d'histoire économique et sociale.

En 1950, il est reçu 1er à l'agrégation d'histoire ; par la suite, Maurice Agulhon est nommé professeur d'histoire au lycée de Toulon (1950-51), puis au lycée Thiers à Marseille (1952-1954) où il prépare sa seconde thèse sur le Var de la Révolution à 1851. Le Var constitue en réalité un terrain de recherches. Pendant ces années, il continue à militer pour le Parti Communiste Française et fait partie des sections locales dans ces deux villes.

En 1954, Ernest Labrousse le fait entrer au CNRS comme attaché de recherches (1954-1957). En 1957, Maurice Agulhon devint assistant de Pierre Guiral à la Faculté de Lettres d'Aix-en-Provence (1957-1963). Il fait connaissance du médiéviste Georges Duby. Toujours à Aix, Maurice Agulhon remplit les fonctions de maître de conférence en 1967 et de professeur en 1969.

C'est dans le Var qu'il découvre la sociabilité méridionale qui donne naissance à son premier ouvrage Pénitents et Franc-maçons de l'ancienne Provence : essai sur la sociabilité méridionale (1968). En 1969 il soutient sa thèse de doctorat en Sorbonne intitulée « Un mouvement populaire au temps de 1848. Histoire des populations du Var dans la première moitié du XIXème siècle » ; elle fut postérieurement publiée en 3 volumes : La République au village (1970), La vie sociale en Provence intérieure au lendemain de la Révolution (1970) et Une ville ouvrière au temps du socialisme utopique, Toulon de 1815 à 1851 (1970) qui font de Maurice Agulhon un spécialiste à la fois de la Provence, du mouvement ouvrier d'avant 1848 et des rapports entre politique et monde paysan.

En 1972, il quitte Aix-en-Provence et part pour la capitale car il est élu professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Paris I Panthéon Sorbonne dans la chaire qu'abandonnait Louis Girard. Entre 1972 et 1985, il forma aussi des nombreux docteurs. Par ailleurs, dans le cadre du Centre de recherches sur l'histoire du XIXème siècle de la Sorbonne qu'il co-dirigea avec Louis Girard, il anima deux grandes enquêtes : l'une sur les maires de France, l'autre sur les parlementaires de la Troisième République. En 1986 il arrive au sommet de sa carrière d'enseignant étant élu au Collège de France dans la chaire d'histoire de la France contemporaine (1986-1997). Parallèlement à l'enseignement, son champ d'études s'élargit. M. Agulhon écrit des ouvrages de synthèse et des contributions dans les grandes collections des années 1970-1980 de L'histoire de France (Larousse), le volume III de L'histoire de la France rurale (Seuil, 1976), le volume IV de L'histoire de la France urbaine , le volume VIII de la Nouvelle histoire de la France contemporaine (Seuil) et le premier volume de l' Histoire de France d'Hachette. Il a renouvelé l'approche à l'histoire en mettant l'accent sur les aspects anthropologiques et sur les mentalités.

Historien original, il se lance dans l'exploration d'un nouvel aspect de l'histoire républicaine, la symbolique républicaine. Il est l'historien de Marianne : Marianne au combat, l'imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880 , Marianne au pouvoir, l'imagerie et la symbolique républicaines de 1880 à 1914 , (1989) et Les Métamorphoses de Marianne (2001). Sa trilogie établit une périodisation dans l'histoire des représentations de la République. À travers chaque période, Maurice Agulhon montre comment le symbole de la République se transforme.

Maurice Agulhon occupe une place importante au sein de la communauté scientifique française du XXème siècle et le début du XXIème siècle. Maurice Agulhon montre en s'appuyant sur les images le rapport qui existe entre les représentations visuelles et les représentations mentales ou intellectuelles. Il souligne à quel point l'histoire symbolique est à la fois politique et culturelle. Lui-même la définit comme une « histoire au second degré ».

Il a publié ses réflexions sur la République et le gaullisme et cherche à comprendre la dualité du personnage : La République de 1880 à nos jours (1990), Coup d'État et République (1997) et De Gaulle, histoire, symbole, mythe (2000), Histoire et politique à gauche (2005).

Ses principaux articles ont été réunis en volume dans Histoire Vagabonde I , Ethnologie et politique dans la France contemporaine (1988), Histoire Vagabonde II , Idéologies et politique dans la France du XIXème siècle (1988) et Histoire Vagabonde III , La politique en France, d'hier à aujourd'hui (1996).

Frappé en 2005 d'une attaque cérébrale qui l'a paralysé partiellement, il a dû renoncer à poursuivre des recherches. Son dernier livre est apparu en 2008 : Les mots de la République (2008). D'autre part, il joua un rôle actif dans la commémoration du bicentenaire de la Révolution Française, membre du Haut comité des célébrations nationales (1988-2007) et anima des nombreuses sociétés savantes : il fut fondateur et président de la Société d'études jaurésiennes de 1976 à 2011, président de la Société d'études renaniennes (2001) et président de la Société d'histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du XIXème de 1975 à 1981.

Son œuvre et son action lui valent l'obtention du grand prix national d'histoire en décembre 1990 et le grand prix Gobert de 1991 et sa nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur (chevalier 1989, puis officier 1998).