« Miroir de la mort »

L'édition du premier supplément au Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Troyes (t. II de la collection in-4^o, 1855) date de 1904. Elle fait partie du t. XLIII du Catalogue général, série in-8^o. Maintenant donc, ce deuxième supplément recense les 806 manuscrits entrés depuis juillet 1903, qui contiennent 24320 pièces.

Nous disposions, pour l'établir, de deux documents :

un inventaire topographique manuscrit, très détaillé, établi au fur et à mesure des entrées par le conservateur Lucien Morel-Payen (de 1903 à 1934) et surtout son adjoint Louis Morin (de 1906 à 1931) ; dépourvu de table, il est d'une utilisation malaisée. Cet unique exemplaire compte 244 ff., pour les n^os 2921 à 3184 ;

un répertoire sommaire établi par M. Alfred Morin et nous-même à partir de 1948, à l'instigation de M. André Masson, alors inspecteur général des bibliothèques, en vue d'une publication. Ce répertoire était destiné à couvrir la période allant de juillet 1903 à son achèvement ; il reprend, en les allégeant, les notices de Lucien Morel-Payen et de Louis Morin. Un index sur fiches le complète.

On a développé, pour cette édition, ce répertoire et cet index, en s'efforçant de les conformer aux Règles pour le catalogage des manuscrits modernes diffusées en 1980 par la Direction du Livre. On y a ajouté, suivant les mêmes règles, les manuscrits entrés depuis, jusqu'au mois de décembre 1982. Les liasses autrefois constituées rassemblaient de façon factice, au hasard des dons et des achats, des dossiers disparates, sous un même numéro de série. Elles ont été analysées globalement, sous des titres généraux, tels que « Documents concernant l'Aube, la Champagne, Troyes » avec des précisions le cas échéant. Le détail complet se retrouve à la table, par ordre alphabétique de localités, personnages et sujets. Il en est de même pour le dépouillement des liasses de correspondance.

La description, pièce par pièce, des recueils factices, est consultable dans l'Inventaire, manuscrit et dactylographié, complété jusqu'en 1982.

Quant aux provenances, elles sont toujours indiquées lorsqu'il s'agit de dons ; pour les achats, ils ne sont précisés que dans les cas exceptionnels.

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Les donations, au début du XX^e siècle, consistaient en versements, par de nombreux particuliers, de documents et de lettres, parfois d'un seul feuillet. Ainsi ont fait des collectionneurs d'autographes, tels les frères Baltet, Alphonse Baudouin, l'abbé Coffïnet ou Arsène Thévenot, et les bibliothécaires successifs en particulier Louis Morin.

En même temps que leurs livres imprimés, les grands donateurs ont versé aussi des manuscrits : le legs de Charles-Edmond Mitantier (1888) nous fournit 13 volumes, celui de Charles Des Guerrois (1916), 19 recueils, la plupart contenant ses œuvres inédites. Le docteur Auguste Millard donna en 1896 la bibliothèque de son père, Jean-Auguste (1802-1885), représentant de l'Aube à la Constituante de 1848 ; des centaines de pièces (correspondance et documents), qui ne figuraient pas dans le catalogue particulier imprimé de 1896, ont été ajoutées ici.

La donation importante des années 1921 à 1936, fut celle de Georges Hérelle, ami et traducteur de Gabriel D'Annunzio (1848-1935). Originaire de Pougy-sur-Aube, il prit soin, pendant quinze années, de remettre à la Bibliothèque de Troyes (outre ses livres), sa correspondance, ses notes, ses mémoires. Comme il était en relations avec nombre d'écrivains italiens, espagnols, français, ce « fonds Hérelle » est notre fonds littéraire par excellence (66 numéros, plusieurs milliers de documents). La petite-nièce du donateur, Madame Anna-Hélène Chaubard, l'a complété heureusement, en 1973, par la correspondance familiale.

Dom Angelico Surchamp, en 1963, et son frère dom Claude Jean-Nesmy, ont donné les œuvres et la correspondance de leur père, le romancier Jean Nesmy.

Jean-Camille Niel légua en 1964, avec ses livres, une série de pièces manuscrites curieuses, souvent œuvres de poètes de la région.

Grâce à l'historien Mgr Joseph Roserot de Melin, nous possédons non seulement, par son legs de 1968, ses œuvres et ses notes, mais aussi celles de son père Alphonse Roserot, ancien archiviste de l'Aube, et d'historiens locaux, tels Louis Le Clert et le chanoine Arthur Prévost.

A partir de 1973, Jean-Jacques Poulet-Allamagny, héritier de Jean-Jacques Kihm, le biographe de Cocteau (1923-1970), nous fournit documents et œuvres.

Une centaine de numéros représente les manuscrits provenant le l'Ancien Séminaire de Troyes, confisqués en 1905. Ils viennent d'être sauvegardés, classés, catalogués par Jean-Paul Oddos, conservateur à la Bibliothèque de Troyes (50 manuscrits, complétés par des acquisitions en l'Hôtel des Ventes de Troyes et par ceux du Séminaire actuel, mis en dépôt à la Bibliothèque de Troyes à partir de 1982).

Les achats ont été peu courants au cours de ces 80 années. Ils étaient effectués seulement pour compléter les séries déjà existantes. Seul le livre d'heures, ms. 3713, représente une acquisition importante.

Les défets de reliure ont fourni aussi des documents exceptionnels, telles des procédures de la prévôté de Troyes au XV^e s., ou les œuvres de trouvères du XIII^e s.

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De par ces différentes provenances, notre collection de manuscrits concerne aussi bien l'histoire que la littérature.

La « série historique » comprend à la fois des documents originaux et des monographies, concernant principalement la Champagne méridionale.

Par une confusion entre le rôle des Archives et celui des Bibliothèques, les donateurs d'autrefois ont apporté beaucoup de pièces d'archives : chartes, comptes, procédures. Elles concernent les seigneuries et les abbayes de la région. La plupart sont des XVII^eXVIII^e siècles, avec, cependant, quelques textes anciens : charte de

Louis d'Orléans de 1400 (ms. 3010, III, n^o 17), compte de 1408 (ms. 3010, II, n^o 2), une partie du registre du tabellionnage de Troyes, de 1405, une rareté (ms. 2975, III, n^o 73) ; de 1420-1460, des procès de la prévôté de Troyes (ms 3694) ; de 1499, des papiers de famille (ms. 3006).

Le jansénisme des XVII^e-XVIII^e s. a laissé des traces à Troyes : des lettres, des traités, complètent ceux du fonds primitif (François Pithou, Mathurin Quéras, Jacques-Joseph Duguet). S'y ajoutent les notes biographiques et études léguées par Jean Godefroy en 1954.

Les correspondances du XIX^e s. fournissent des renseignements sur les personnages politiques, tel Casimir Perier, au château de Pont-sur-Seine. D'autres lettres avaient été collectionnées à cause de la célébrité de leurs auteurs ; elles n'ont pas d'intérêt local, mais sont analogues à celles que recense le catalogue des Nouvelles acquisitions françaises, 1946-1957, de la Bibliothèque nationale.

Une mention spéciale doit être faite pour ce qui concerne la Révolution de 1848 et la II^e République dans l'Aube, événements qui mériteront d'être étudiés grâce au fonds provenant du député Jean-Auguste Millard, où sont concernés Désiré Argence, Ambroise Cottet, Jean-François Gadan.

Moins importants, mais pittoresques, sont les papiers de famille des Labrun, Le Brun, Buxtorf.

Les ouvrages d'historiens locaux sont nombreux dans cette collection : du XVIII^e siècle, comme Michel Sémilliard, Michel Trémet, Rémi Breyer. Pour les XIX^e et XX^e s., Henri d'Arbois de Jubainville (1827-1910), archiviste de l'Aube, son collègue Alphonse Roserot (1849-1932) avec son fils, Mgr Joseph Roserot de Melin (1879-1968), tous trois bien connus par leurs publications. Et avec eux le chanoine Arthur Prévost, l'abbé Charles Nioré, dont les notes sur les églises auboises sont précieuses, de même que les dessins et plans de Charles Fichot et A. F. Arnaud. Il est bon d'y ajouter les études de Jacques Bauer († 1960) sur les habitations rurales de Champagne.

Octave Beuve, bibliothécaire-adjoint à Troyes († 1920), a laissé des œuvres inachevées, en particulier sur la collégiale Saint-Etienne. La médecine dans l'Aube a été étudiée en détail par le docteur Edmond Gur († 1963). Quantité de courtes études, de différents auteurs, concernent soit les localités, soit des familles de l'Aube.

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Le fleuron de la série littéraire est le fonds de Georges Hérelle, contenant la correspondance à lui adressée par Gabriel D'Annunzio et de nombreux auteurs italiens (Grazia Deledda, Gulielmo Ferrero, Antonio Fogazzaro, Matilde Serao, notamment), avec des volumes de mémoires et souvenirs, et des détails sur leurs ouvrages ; on y remarque aussi quelques œuvres autographes de Gabriel D'Annunzio (les Sonnets cisalpins), et surtout la préparation des traductions des différents romans. Une dizaine d'auteurs espagnols sont de même concernés (Blasco Ibañez), ainsi, naturellement que les Français (la famille Bourget, Maurice Bouchor, Adrien Juvigny) et les maisons d'édition. Hérelle lui-même a composé des études inédites. Soigneusement classés par le donateur, reliés souvent en solide chagrin, tous ces documents attendent les chercheurs qui s'intéresseront à la littérature entre 1872 et 1933, et aussi à Georges Hérelle lui-même, qui a été en relations amicales avec les écrivains des trois pays latins.

La correspondance du romancier de la forêt, Jean Nesmy (1876-1959), avec des romanciers du début du XX^e s., forme, d'autre part, un ensemble d'auteurs du « second rayon ». Le parnassien Albert Mérat, aubois, avait fourni lui aussi des manuscrits de ses œuvres.

Un petit fonds « Cocteau » accentue encore cet aspect littéraire de nos manuscrits, grâce à Jean-Jacques Kihm : lettres de Jean Cocteau, notes biographiques et correspondance de Kihm avec des auteurs allemands et français contemporains.

En outre, la Bibliothèque possède de petits textes d'écrivains connus : Index in Sallustium de Jean Passerat, poèmes de Nicolas de Chatonru pour le XVI^e s. ; des textes de Nicolas Des Guerrois, une œuvre astrologique de Pierre II de Larivey (ms. 3249, XVII^e s.) ; correspondance de P.-J. Grosley, et œuvrette de Claude-Antoine Guyot-Desherbiers (ms. 3028, n^o 71), ainsi que des notes de cours et divers traités philosophiques provenant du Séminaire (XVIII^e s.). La collection d'autographes fournit des lettres de George Sand, d'Emile Zola, entre autres, et des textes du premier bibliothécaire de Troyes, Grégoire-Pierre Herluison.

La musique est représentée par des pages d'antiphonaires, XIV^e et XVIII^e s. (mss 3655-3656), des compositions des frères Lascoretz, mais aussi des romances et des chansons satiriques, la plupart non notées, XVIII^e-XIX^e s.

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Les plus anciens manuscrits de cette série sont du XIII^e s. : « Breviarium » provenant de Turin (ms. 3072), un fragment de la Vita prima de saint Bernard (ms. 3182), ainsi que des poèmes de trouvères (ms. 3712). Un recueil liturgique, soigneusement calligraphié, date du XV^e s. (ms. 3243).

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Les fragments d'antiphonaires ont des enluminures du XIV^e s. (ms. 2964, n^o 54), du XV^e s. (ms. 3311, n^os 2, 14) et XVI^e s. (ms. 3503). Un beau manuscrit arabe du XVIII^e s. est richement enluminé (ms. 3406), tandis que sont naïfs les dessins d'Alexis Socard pour ses voyages aux Antilles de 1843 à 1848 (mss 3204-3207).

Mais le plus beau manuscrit de ce Supplément nous est venu par l'acquisition, faite en décembre 1982, par la Direction du Livre et la Ville de Troyes, d'un livre d'heures à l'usage de Troyes, enluminé au début du XV^e siècle par le « maître de Troyes » (ms. 3713).

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La mise au point définitive de ce Catalogue n'aurait pas été possible sans l'aide de la Direction du Livre et de la Lecture, qui a mis à notre disposition durant plusieurs semaines, une secrétaire. MM. Jean Bleton et Marcel Thomas, inspecteurs généraux des bibliothèques, M. Jean-Luc Gautier, conservateur à la Direction du Livre et de la Lecture, ont bien voulu nous apporter un appui constant et précieux.

Françoise BIBOLET, Conservateur en Chef.