« En ce livre sont contenus les priviléges, libertés, prééminences et auctorités anciennes et perpétuelles, ensamble le restablissement du consulat des habitans de la ville de Limoux en l'année mil trois cens sept, par auctorité des lettres patentes de feu de bonne memoire le roy Phelipes le Bel, lors regnant, etc... Le tout estant en forme de proces-verbal au livre fort ancien couvert de bazane noyre, escript en langue cathelanne, de nouveau traduict et mis en françoys par moy Bertrand Valy, de Saint-Privat en Auvergne, du mandement d'honorables personnes messieurs Estienne Madures, Anthoine Ytre, Barthelemy Gleise, Marty Carrassus, Guillaume Gerin et Barthelemy Pega, consulz de ladite ville l'année mil cinq cens soixante seize »

Les manuscrits de Carcassonne ont fait l'objet d'une étude détaillée de M. Ch. Fierville, alors professeur de philosophie au lycée de Mont-de-Marsan (Mémoires de la Société des arts et des sciences de Carcassonne, t. III, p. 119-328). M. Fierville ne s'est pas contenté de décrire les manuscrits conservés dans la Bibliothèque de la ville ; il a fait d'intéressantes recherches sur leur histoire et a ajouté de nombreuses notes et analyses des ouvrages qu'ils contenaient. A cet égard, son catalogue a rendu et est appelé à rendre encore de grands services. Malheureusement l'auteur a commis quelques erreurs sur la date des manuscrits, et, depuis que son travail a été terminé, bien des numéros nouveaux sont venus s'ajouter au fonds des manuscrits de la Bibliothèque. La Société des arts et sciences de Carcassonne, qui avait publié ce catalogue dans ses Mémoires, avait déjà été obligée d'ajouter un supplément de huit numéros avant que l'impression fût terminée. Par suite de récents accroissements, la Bibliothèque, au lieu des 57 numéros formant 140 volumes, inscrits dans le catalogue de M. Fierville, compte actuellement, non compris les autographes, 176 manuscrits, formant 310 volumes.

Il ne reste plus de traces de la bibliothèque de la cité de Carcassonne dont Montfaucon avait donné le catalogue (MONTFAUCON, Bibliotheca bibliothecarum manuscriptorum nova, t. II, col. 1352-1353), en même temps que celui de la bibliothèque du chapitre de Saint-Nazaire, et qui comprenait 31 manuscrits. Pour retrouver les origines de la collection actuelle des manuscrits de la Bibliothèque, il ne faut pas remonter avant la Révolution. La plupart des manuscrits proviennent des bibliothèques confisquées sur les établissements religieux ou sur des particuliers et déposées à l'École centrale du département. M. Fierville a spécialement étudié le nombre de volumes entrés ainsi à la Bibliothèque par voie de confiscation. Il a constaté que, parmi les collections qui ont contribué à former la Bibliothèque publique de Carcassonne, cinq seulement lui ont fourni des manuscrits. En outre, tous les volumes inscrits sur les catalogues primitifs ne sont pas restés à la Bibliothèque. Plusieurs ont même disparu depuis la rédaction du catalogue publié par Haenel, en 1822 (D. G. HAENEL, Catalogi librorum manuscriptorum qui in bibliothecis Galliœ, etc., asservantur. Lipsiæ, 1830, in-4^o, p. 115). Ainsi, sur 31 numéros provenant de la bibliothèque des Jacobins de Carcassonne, 7 seulement nous sont parvenus ; les Capucins de Carcassonne, sur 34 numéros, n'en fournissent plus qu'un seul ; de même un manuscrit provient de la riche bibliothèque des Bénédictins de la Grasse. Seule, la bibliothèque de M. de Murat, émigré, a été relativement épargnée ; car, sur 21 numéros dont se composait sa collection, la Bibliothèque de la ville en conserve 17. La plupart des manuscrits qui ont disparu depuis 1790 n'avaient heureusement pas grande valeur ; la plupart étaient des cahiers d'écoliers. D'autres plus importants sont peut-être passés dans des bibliothèques voisines. Il se pourrait par exemple que le traité des Sacrements de Hugues de Saint-Victor et le manuscrit de la Pharsale de Lucain, signalés comme ayant appartenu à M. de Murat, soient ceux qui sont conservés actuellement à Perpignan (On pourrait aussi retrouver à Perpignan les commentaires sur les Décrétales Grégoriennes (anc. 7782)). M. Fierville a complété son travail sur les origines de la Bibliothèque, en donnant la liste des ouvrages manquant depuis la rédaction des anciens inventaires.

A l'ancien fonds des manuscrits provenant de la bibliothèque de l'École centrale du département de l'Aude sont venues s'ajouter diverses collections particulières ; les unes avaient déjà été mentionnées par M. Fierville, les autres sont des acquisitions postérieures à la rédaction de son catalogue. Parmi les premières, il faut citer la collection des Procès-verbaux des États du Languedoc, qui ne figurent que sous un seul numéro dans le catalogue Fierville. Cette collection, que l'on rencontre dans la plupart des villes du midi de la France, existe en double à Carcassonne, car les registres des États sont conservés aux Archives départementales de l'Aude (Les Archives départementales de l'Aude renferment 226 volumes des procès-verbaux des États de Languedoc de 1564 à 1789 : la collection a été imprimée depuis 1776. Parmi les registres qui manquent à la collection de la Bibliothèque et que l'on retrouve aux Archives départementales, on peut citer les volumes correspondant aux années 1621, 1639, 1640, 1649, 1655, 1656, 1657, 1668, 1709, 1720, etc. Il manque à la collection des Archives les années 1601, 1749, 1750, 1751, 1753). Comme elles présentent toutes deux quelques lacunes, on peut les compléter l'une par l'autre. A la Bibliothèque se trouvent huit liasses contenant des expéditions originales des cahiers des États du XVI^e siècle, qui constituent la partie la plus intéressante de la collection. Conservés d'abord dans les Archives de la mairie de Carcassonne, ces registres sont entrés à la Bibliothèque par les soins de M. Cornet-Peyrusse et de la Société des sciences et des arts de Carcassonne.

C'est aussi grâce à M. Cornet-Peyrusse que sont entrés dans la Bibliothèque les papiers Peyrusse, contenant des documents fort intéressants pour l'histoire du premier Empire, notamment sur le séjour de Napoléon à l'île d'Elbe et les Cent-jours. Ce sont les journaux, mémoires, correspondance et registres de comptes des deux frères Peyrusse. L'aîné, André Peyrusse (1774-1855), fut secrétaire du général Kléber, qu'il suivit en Égypte, où il fut nommé secrétaire général des finances. Il occupa sous l'Empire les postes de trésorier général de la Louisiane, de receveur général du Hanovre et de receveur général du département d'Indre-et-Loire. Son frère, Guillaume-Joseph-Roux, baron Peyrusse, né à Carcassonne en 1776, fut payeur du trésor de la couronne sous Napoléon I^er. Il fut, en cette qualité, attaché au quartier impérial, de 1809 à 1814, et fit les campagnes d'Italie, de Russie, de Saxe et de France. Après l'abdication, il suivit Napoléon à l'île d'Elbe, dont il fut nommé receveur général. Rentré en France avec Napoléon, en 1815, il fut nommé trésorier général de la couronne et baron de l'Empire. Plus tard retiré à Carcassonne, il fut maire de cette ville, de 1834 à 1836. Quelques-uns des documents provenant des manuscrits de Peyrusse ont été publiés par sa famille. Il y en a, dans le nombre, d'un intérêt très général, par exemple, le compte général de l'île d'Elbe.

Parmi les autres acquisitions importantes de la Bibliothèque, il faut citer les manuscrits de M. L.-J. Gabriel de Chénier, donnés à la ville de Carcassonne par madame G. de Chénier, et surtout ceux qui proviennent de M. Alphonse-Jacques Mahul. Né à Carcassonne en 1795, Mahul fut successivement collaborateur de la Revue encyclopédique et des Tablettes universelles. Élu député de Carcassonne en 1830, il fut tour à tour préfet de la Haute-Loire, de Vaucluse et de la Haute-Garonne ; révoqué en 1841, il fut réélu député de 1846 à 1848. Il a laissé une œuvre historique fort considérable dans son Cartulaire et Archives des communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne (Carcassonne, 1857-1862, in-4^o). En mourant, il a légué à la ville de Carcassonne ses manuscrits et ses papiers. Dans ces derniers se trouvaient les manuscrits et mémoires de Pons de l'Hérault, comte de Rio (1772-1858). Pons de l'Hérault, d'abord officier de marine, puis capitaine d'artillerie, commandait les batteries de Bandol en 1793. Emprisonné après thermidor comme robespierriste, il fut élu, en 1798, au Conseil des Cinq-Cents, mais fut invalidé. Capitaine de frégate au 18 brumaire, il fut privé de son commandement et se lança dans des entreprises commerciales malheureuses. En 1813, on le trouve administrateur des mines de l'île d'Elbe, puis préfet du Rhône pendant les Cent-jours. Envoyé prisonnier en Autriche, de 1815 à 1821, il rentra dans l'administration sous le gouvernement de Juillet et fut préfet du Jura. Nommé conseiller d'État en 1848, il occupa ce poste jusqu'au 2 décembre. Ses principaux ouvrages sont : Le congrès de Châtillon, paru en 1825 ; La bataille et la capitulation de Paris (Paris, 1828, in-8^o) ; De la puissance suprême et du pouvoir souverain (Paris, 1848, in-8^o). Il a laissé une Histoire du séjour de Napoléon à l'île d'Elbe, qui n'a jamais été publiée et dont le manuscrit se trouve en double à la Bibliothèque de Carcassonne, avec les notes et matériaux qui ont servi à la rédaction de l'ouvrage. On trouve encore à la Bibliothèque de Carcassonne les journaux, notes et documents nombreux recueillis par Pons de l'Hérault en Italie, où il fut envoyé en mission de 1849 à 1851.

Outre ces acquisitions récentes, la Bibliothèque de Carcassonne s'est enrichie des mémoires présentés à la Société des arts et des sciences de Carcassonne, sous la surveillance de laquelle elle était placée jusqu'à ces dernières années. Pour la rédaction de ce catalogue, j'ai suivi généralement l'ordre méthodique adopté par M. Fierville, en classant à part les manuscrits qui concernent l'histoire locale. Les manuscrits n'étant pas classés séparément, j'ai reproduit entre parenthèses leur numéro de classement dans la Bibliothèque, en y ajoutant, quand il y avait lieu, le numéro du catalogue de M. Fierville. Il me reste à remercier M. Izard, bibliothécaire de Carcassonne, et mon confrère et ami, L.-G. Pélissier, ancien membre de l'École française de Rome, pour leur obligeance et pour les renseignements qu'ils ont mis à ma disposition.

Léon CADIER.