Joannes Cassianus de capitalibus vitiis, sive institutionum liber quintus et sequentes

Déjà célèbre du temps des Romains par ses écoles si florissantes et si souvent citées ; se relevant une des premières après les invasions des barbares dans les Gaules ; riche de ses souvenirs et des restes précieux de l'antiquité, la capitale des Éduens a semblé devoir figurer à la tête d'un recueil dans lequel, à défaut d'une classification qui aurait entraîné de trop longs retards, l'ancienneté des manuscrits devenait naturellement un motif de préférence. Les volumes dont on va lire la description ont appartenu presque tous aux différents établissements ecclésiastiques de la ville d'Autun, et surtout à la bibliothèque du chapitre. Ils devinrent propriété nationale, vers la fin du siècle dernier, et le gouvernement les a laissés en dépôt au séminaire d'Autun, où, grâce à la parfaite obligeance des supérieurs de cet établissement, nous avons pu les examiner à loisir (Il y a aussi une bibliothèque publique à Autun ; mais, dans cette bibliothèque où l'on a dit autrefois qu'il existait plusieurs manuscrits sur vélin, nous n'avons trouvé actuellement que deux recueils sur papier, tous les deux du XVIII^e siècle, et qui n'ont aucune importance. Le premier porte le n^o 215 ; il contient un Choix de poésies françaises, en six vol. in-4^o ; le second est une Correspondance politique d'Utrecht, etc. de 1713 à 1715, en un volume in-folio).

C'est de la bibliothèque de la cathédrale que proviennent les plus anciens de ces manuscrits. Ils y avaient été déposés par plusieurs évêques d'Autun, au premier rang desquels il faut placer Walterius, qui florissait vers la fin du X^e siècle, et dont le nom se lit encore sur quelques volumes. Walterius doit être considéré comme le véritable fondateur de la bibliothèque du chapitre. Un manuscrit (C'est le n^o 22 du catalogue placé à la suite de cet Avertissement) contemporain donne la liste, fort incomplète à la vérité, des ouvrages que cet ami zélé des lettres avait, suivant la formule alors en usage, offerts à saint Nazaire, patron de l'ancienne cathédrale.

Enrichie successivement par le cardinal Rolin, par Jacques Hurault, qui fut, au commencement du XVI^e siècle, ambassadeur du roi de France auprès de la république de Florence, et par d'autres évêques, cette collection s'accrut encore par le legs que, peu de temps après, lui fit de ses livres le chanoine Guillaud. Hurault la transféra de la basilique de Saint-Nazaire à l'église de Saint-Lazare, nouvelle cathédrale, et c'est là que plus tard elle attira l'attention de dom Martène, qui l'examina avec soin et qui, dans sa relation du Voyage littéraire de deux religieux Bénédictins, déclara qu'il y avait dans cette bibliothèque des manuscrits aussi anciens qu'en aucune autre cathédrale de France. Elle arriva presque intacte jusqu'à la révolution ; et, malgré les dangers qu'elle dut courir à cette époque de bouleversement, ce n'est pas alors qu'elle a éprouvé les pertes les plus considérables. C'est seulement dans les premières années de la Restauration que deux livres d'un prix inestimable, un Horace et un Virgile très-anciens, qui faisaient partie de la bibliothèque du séminaire d'Autun, et qui brillaient parmi les manuscrits les plus précieux qu'il y eût en France, ont disparu. On ignore les circonstances de cette perte si regrettable ; cependant, parmi les versions que nous avons recueillies dans le pays, la plus accréditée est que ces livres furent, sur de puissantes recommandations, confiés à une personne dont le nom est resté inconnu, et qui ne les a jamais restitués. Quoi qu'il en soit, il n'est guère présumable que des manuscrits de cette importance aient été détruits. Ajoutons qu'ils n'ont figuré dans aucune vente, et qu'on peut affirmer qu'aucune des grandes bibliothèques de l'Europe n'en a fait l'acquisition (En 1804, Millin a vu à Autun le manuscrit d'Horace. M. Hænel, qui parle de ces deux manuscrits d'après des témoins oculaires, dit que l'Horace était du VI^e siècle et le Virgile du siècle suivant, et il ajoute qu'ils étaient tous deux complets. (Voyez Millin, Voyage, tom. I, pap. 328 ; et Hænel, Catalogi, col. 61)). Il faut espérer que nos regrets, exprimés publiquement, presque officiellement même, pourront amener la découverte de ces manuscrits si précieux.

Avant la révolution, la bibliothèque de la cathédrale d'Autun avait déjà essuyé une grande perte. Des notes que nous avons lues au séminaire prouvent que, dans le siècle dernier, M. de la Roquette, évêque d'Autun, ayant emprunté à cette bibliothèque un manuscrit en lettres d'or, contenant l'ouvrage De schismate donatistarum, par saint Optat, évêque de Milève, en fit cadeau au coadjuteur de Reims. On ignore ce que ce riche volume a pu devenir (Millin annonce que ce manuscrit a passé à la Bibliothèque royale. (Millin, Voyage, tom. I, p. 332.) D'après les renseignements qui nous ont été donnés obligeamment par MM. les conservateurs de ce grand établissement, il paraît qu'une telle assertion est tout à fait inexacte).

Malgré ces pertes qui, comme l'attestent les fréquentes lacunes qu'on rencontre dans les numéros d'ordre des manuscrits, ne sont pas les seules qu'elle ait éprouvées, la bibliothèque du séminaire d'Autun mérite, à plus d'un titre, de fixer l'attention des érudits. Il serait difficile, en effet, de rencontrer ailleurs, dans un nombre si restreint de volumes, autant de manuscrits remarquables sous le rapport de la paléographie, de l'histoire littéraire et de l'histoire des arts. Les deux évangéliaires en lettres onciales qu'on y voit d'abord (Voyez les numéros 3 et 4), excitent l'intérêt, non-seulement à cause de leur antiquité, mais aussi par les grandes miniatures dont ils sont ornés, et qui donnent une idée bien frappante de l'état de barbarie dans lequel étaient tombés les arts en Occident avant l'avénement de Charlemagne. Le premier de ces deux évangéliaires se recommande aussi à cause de la date qu'il porte ; car on sait que les manuscrits en lettres onciales et datés sont fort rares. La note si naïve, si touchante même, quoique si grossière, par laquelle le copiste Gundohinus nous annonce qu'il a écrit ce volume à la prière d'une femme et d'un moine, sera lue avec intérêt. Plusieurs autres manuscrits (Ce sont les numéros 20, 21, 23, 24, 27, 107), antérieurs à Charlemagne, se distinguent par la beauté des caractères, comme par une orthographe singulière, souvent barbare, et que, suivant l'exemple des plus illustres maîtres, nous nous sommes fait un devoir de reproduire fidèlement. Cette orthographe présente des particularités qu'on rencontre aussi dans les inscriptions découvertes à Autun, et qui tiennent peut-être à la manière dont les Éduens prononçaient le latin. Deux des volumes que nous venons de citer sont palimpsestes, et l'un d'eux paraît offrir, dans les traces des caractères qui ont été effacés, un nouvel exemple de cette écriture minuscule romaine qu'on ne rencontre que bien rarement.

Parmi les manuscrits postérieurs à Charlemagne, nous n'en citerons que deux (Les numéros 19bis et 40), un Sacramentaire et un Priscien. Le Sacramentaire, du IX^e siècle, est exécuté avec une rare perfection calligraphique et contient des miniatures d'une délicatesse merveilleuse. Nous n'avons jamais vu aucun autre manuscrit aussi propre à témoigner du degré de perfection auquel étaient arrivés certains arts, en France, au IX^e siècle. Un ancien commentaire, qui accompagne le Priscien, renferme un très-grand nombre de mots écrits en notes tironiennes et mérite d'être remarqué. A l'aide des renvois qui se reproduisent d'une manière régulière, et d'après d'autres particularités qu'offre ce volume, il paraît pouvoir servir à enrichir les alphabets tironiens déjà connus.

Quelque soin que l'on puisse apporter dans la rédaction de ces sortes d'ouvrages, on comprend que la publication d'un catalogue raisonné, fait d'après des notes prises depuis longtemps, et sans qu'au moment de l'impression il soit possible d'avoir les manuscrits sous les yeux, présente de très-grandes difficultés. C'est là, pourtant, une condition nécessaire à laquelle il a fallu se soumettre, tout en sentant l'impossibilité d'éviter complétement les inadvertances et les omissions que doit entraîner le défaut de moyens de vérification. Heureusement M. le chanoine de Voucoux a eu la bonté de nous adresser d'Autun quelques notes supplémentaires. Nous nous empressons de l'en remercier ici, et d'offrir en même temps l'expression de notre reconnaissance à MM. Victor Le Clerc, Hase et Reinaud, membres de la commission du Catalogue général des manuscrits, qui ont bien voulu lire ce catalogue et l'enrichir de savantes remarques. Cependant, nous le répétons, rien ne saurait suppléer à l'absence des manuscrits. Les volumes qui, en petit nombre, composent ce catalogue suffiraient déjà pour démontrer, comme nous l'avons dit ailleurs (Voyez le Journal des Savants, janvier 1842, p. 55), que les provinces de France sont aussi riches en monuments littéraires d'un haut intérêt, que les provinces de certains pays, dont les érudits visitent avec empressement les bibliothèques.

G. LIBRI.

ALCUINI (Beati Flacci Albini, seu) Opera. — Ratisbonæ, 1777 ; 2 tom. en 4 vol. in-fol.

Evangelium quadruplex latinœ versionis antiquœ, seu veteris italicœ, a Josepho Blanchino. — Romæ, 1749 ; 4 vol. in-fol.

FABRICII (J. Alb.) Bibliotheca latina mediœ et infimæ œtatis, aucta a J. Mansi. — Patavii, 1754 ; 6 vol. in-4^o.

FANTUZZI, Scrittori bolognesi. — Bologna, 1781-1794 ; 9 vol. in-fol.

Gallia christiana. — Parisiis, 1715-1785 ; 13 vol. in-fol.

HÆNEL, Catalogi librorum manuscriptorum. — Lipsiæ, 1830, in-4^o.

Histoire littéraire de la France. — Paris, 1733-1842 ; 20 vol. in-4^o.

JOURDAIN, Recherches critiques sur l'âge et l'origine des traductions latines d'Aristote. — Paris, 1819 ; in-8^o.

MARTENE, Thesaurus novus anecdotorum. — Lutetiæ Parisiorum, 1717 ; 5 vol. in-fol.

MAZZUCHELLI, gli scrittori d'Italia. — Brescia, 1753-1763 ; 2 tomes en 6 vol. in-fol.

MILLIN, Voyage dans les départements du midi de la France. — Paris, 1807 ; 5 vol. in-8^o, avec atlas.

MURATORI, Antiquitates italicœ medii œvi. — Mediolani, 1738-1742 ; 6 vol. in-fol.

Nouveau traité de Diplomatique, par deux religieux Bénédictins. — Paris, 1750-1765 ; 6 vol. in-4^o.

PAMELII Missale SS. Patrum latinorum. — Coloniæ, 1610 ; 2 vol. in-4^o.

QUETIF et ECHARD, Scriptores ordinis Prœdicatorum. — Parisiis, 1719-1721 ; 2 vol. in-fol.

SARTI, de claris Archigymnasii Bononiensis professoribus. — Bononiæ, 1769-1772 ; 2 vol. in-fol.

Voyage littéraire de deux religieux Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur. — Paris, 1717-1724 ; 2 vol. in-4^o.