Le fonds Réserve rassemble les éditions jugées les plus précieuses en raison de leur ancienneté (ensemble des éditions antérieures à 1831), de leur rareté, de leur caractère bibliophilique, etc. Afin d’assurer des conditions de conservation optimale, les impressions Mame, les ouvrages relatifs à la Touraine ou les livres de bibliophilie d’Yves Bonnefoy qui répondent à ces critères sont physiquement intégrés au fonds Réserve.
Biographie ou histoire
Largement victime des bombardements tout au long de la Seconde Guerre mondiale, la Ville de Tours a bénéficié de l’aide de l’État pour sa reconstruction. La loi du 28 octobre 1946 ouvre le droit à réparation pour tous les dommages « certains, matériels et directs causés aux biens immobiliers et mobiliers par les faits de guerre ». Cette loi permet de financer la reconstruction d’une vaste bibliothèque municipale à Tours, le bâtiment incendié en 1940 ayant subi trop de dommages pour être conservé et restauré. Les collections ne sont pas oubliées dans cette procédure d’indemnisation particulière que constituent les dommages de guerre : un arrêté du 23 juin 1952 précise le barème fixé pour la reconstitution des collections des « bibliothèques collectives », dans lesquelles s’inscrivent les bibliothèques municipales. Le barème précise cependant que seuls les fonds municipaux sont pris en considération. Les fonds d’État, représentés par le socle massif des confiscations révolutionnaires, ne sont pas susceptibles d’indemnisation. Sont également exclus des dommages de guerre les fonds précieux, « dans la mesure où l’intérêt de ces ouvrages résulte uniquement de leur ancienneté, de la rareté de l’édition, ou de la richesse de la reliure ». Dans un contexte budgétaire contraint, l’État accorde la priorité à la reconstitution de collections d’étude et de lecture publique, qui répondent à des besoins plus urgents de formation, mais aussi, préoccupation qui prend de plus en plus d’importance, de loisir. La Bibliothèque municipale étant considérée par l’État comme un établissement pilote dans la politique de rénovation et de restructuration des bibliothèques publiques, son directeur, René Fillet, obtient cependant de disposer de crédits spécifiques pour la reconstitution d’une collection de livres précieux. Un fonds Réserve destiné à les rassembler physiquement est créé en 1955. L'année suivante, un avis du Conseil d’État permet de débloquer des crédits publics pour enrichir cette Réserve. Ces crédits, d’un montant de 17,4 millions d’anciens francs, sont mis à disposition de la Bibliothèque municipale en 1962. Les achats qu'ils permettent, effectués jusqu’en 1966, ont porté presque exclusivement sur des documents imprimés. La plupart de ces acquisitions présentent un lien avec la Touraine : auteur tourangeau, édition tourangelle, thème tourangeau. Sont privilégiées les éditions originales, rares ou précieuses. Un autre thème est également développé, l’histoire du livre, justifiant l’acquisition de beaux livres illustrés sans lien avec la Touraine du XVIe au XVIIIe siècle, comme L’Histoire de la nature des oyseaux de Pierre Belon du Mans (Paris, 1555) ou Les Fables de La Fontaine illustrées par Oudry (Paris, 1755). Après la guerre, la Commission à la Récupération artistique attribue à la Bibliothèque municipale de Tours une petite centaine d’ouvrages provenant des bibliothèques spoliées pendant l’Occupation, dont 79 sont aujourd’hui conservés à la Réserve des livres précieux. Parmi eux, on peut signaler à titre d’exemple un livre d’heures parisien du début du XVIe siècle à l’usage de Rome (Rés. 4559) ou encore un très bel exemplaire des Liliacées de Pierre-Joseph Redouté (Rés. 8242). La provenance de ces ouvrages est soigneusement signalée dans le catalogue informatique par la mention « Dépôt de la Commission de choix de la Récupération artistique ». Après 1966, les acquisitions onéreuses qui enrichissent la Réserve sont effectuées à partir des crédits municipaux, confortés par le mécénat de l’Association des Amis de la Bibliothèque et du Musée. Si les crédits publics constituent depuis 1940 une source constante dans la reconstitution des collections patrimoniales, celle-ci apparaît relativement faible si on la compare aux apports des donateurs particuliers. 63 % des notices du catalogue informatisé concernant des ouvrages conservés dans la Réserve des livres précieux contiennent des indications sur leur provenance, soit par achat, soit par don. Ce taux est suffisamment élevé pour être très représentatif. Sur l’ensemble des ouvrages de la Réserve dont le catalogue nous précise la provenance, 7,5 % seulement proviennent d’achat, et 92,5 % de dons. Les dons ont commencé à affluer dès le second semestre 1940. De nombreuses personnes, tourangelles ou non, émues par la destruction de la Bibliothèque, donnent spontanément des livres dans les années qui suivent. Citons quelques noms, parmi de très nombreux autres : Marcel Bouteron (1877-1962) conservateur de la bibliothèque de l'Institut, spécialiste de Balzac, l’historien Édouard Jordan (1866-1946), ancien professeur à la Sorbonne et à l'École normale supérieure, Raoul Mercier (1871-1958), professeur à l'école de Médecine de Tours, Gaston Collon et son épouse, Louise Neuburger (1872-1946), épouse d’Henri Bergson, le poète Lucas Wilfrid (1882-1976), le pharmacien René-Ernest Tourlet (1873-1943)… La très grande majorité des ouvrages donnés à la Bibliothèque de Tours dans les années qui suivent la destruction de 1940 datent du XIXe et de la première moitié du XXe siècle. Il s’agit de reconstituer des collections pour servir aux chercheurs, aux étudiants, aux lycéens, aux apprentis. Rappelons qu’à cette époque l’université de Tours n’existe pas, et par bien des aspects la Bibliothèque municipale fait office de bibliothèque universitaire. Dans cette période de reconstruction, on a besoin de livres pour s’approprier les connaissances nécessaires au développement intellectuel, scientifique et technique du pays. Mais il s’agit aussi de constituer des collections destinées à un plus large public, dans un but de loisir et de distraction. Ce que nous appelons la lecture publique est alors en plein essor. Passé les années 1950, les donateurs apparaissent moins nombreux, mais leurs dons présentent bien souvent une plus grande valeur patrimoniale : Paul Caron, Mgr Raymond Marcel et Juliette Demogé-Lucas, les enfants de Jacques Chupeau, les enfants de Jean Guillon, Eugène Pépin, l’abbé Georges Marchais, etc.
Autre(s) instrument(s) de recherche
Base patrimoine : TT1
Catalogue de la Bibliothèque municipale de Tours : voir le catalogue