Fonds général. 05

Le Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux, publié en 1894 par Camille Couderc (COUDERC (Camille). Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux... — Paris, Plon, 1894, in-8^o, XLVIII-745 p. (T. XXII de la Collection) ), fut suivi, dès 1901, d'un premier supplément (BOUCHERIE. Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Bordeaux. Supplément, dans le Supplément au Catalogue général des manuscrits, t. XL. — Paris, Plon, 1901, p. 576-622 (n^os 1185 à 1564) ). Depuis cinquante ans, le fonds des manuscrits de la Bibliothèque s'est enrichi par des apports nouveaux. L'intérêt et la diversité des 318 numéros qui forment la matière de ce second supplément en constituent la meilleure preuve.

Les dons et les achats ont contribué à cet enrichissement. Nombre d'érudits et de lettrés bordelais ont tenu à léguer à la bibliothèque de leur ville soit les manuscrits originaux que leur goût de collectionneurs leur avait fait acquérir, soit les manuscrits de leurs œuvres et les notes accumulées pendant toute leur vie. C'est ainsi que sont entrés à la Bibliothèque les fonds Marionneau, Fernand Lafargue, Tristan Derème, pour ne citer que les dons les plus importants.

De leur côté, les conservateurs qui se sont succédé à la tête de la Bibliothèque municipale ont enrichi par leurs acquisitions le fonds des manuscrits : l'achat de la collection Lamontaigne et des manuscrits de Montesquieu marquent les principales étapes de cette politique.

Nous voudrions retracer rapidement l'histoire de ces différents fonds.

I. Fonds Charles Marionneau (Ms. 1583. Cf. Céleste (Raymond). Charles Marionneau. Sa collection de livres, ses notes, ses œuvres.... — Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou, 1904, in-8^o, 24 p. (extrait de la Revue philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest, 7^e année, n^o 10, 1^er octobre 1904). — Sous le titre, Table chronologique de mes notules, notices, monographies et biographies publiées de 1853 à 1896. — Bordeaux, imprimerie G. Gounouilhou, 1896, in-8^o, 16 p., Marionneau a dressé la bibliographie de ses travaux).

En 1904, M^me Émile Lalanne donnait à la Bibliothèque municipale les livres réunis par son père, Charles Marionneau, et ses notes. Cet érudit bordelais avait, en effet, réuni « dans sa bibliothèque une quantité considérable de notes relevées dans les archives et les bibliothèques publiques et privées. Il recueillait sur l'histoire de l'art, sur la biographie des peintres, d'innombrables renseignements ; il coupait dans les journaux les articles, les indications jugés utiles et classait les lettres d'artistes, d'érudits qu'il recevait. Il créa ainsi une source précieuse d'information pour ses nombreux travaux ». Ses notes et ses manuscrits sont renfermés dans 103 cartons (En 1934, les papiers de famille de Charles Marionneau ont été donnés aux Archives municipales de Bordeaux ; cf. VÉDÈRE (Xavier). Archives municipales de Bordeaux. Catalogue des manuscrits... — Bordeaux, imprimerie F. Castera, 1938, p. XV).

II. Fonds Léon Valade (Ms. 1640 à 1650 et 1786. Cf. MAUPASSANT (Jean DE). Un poète bordelais. Léon Valade (1841-1884). — Bordeaux, imprimerie Gounouilhou, 1923, in-8^o, 15 p. (Extrait de la Revue philomatique de Bordeaux et du Sud-Ouest, XXVI^e année, n^o 1, janvier-mars 1923) ).

Au mois d'avril 1904, André Valade-Gabel faisait don à la Bibliothèque municipale des manuscrits de son frère le poète Léon Valade, né à Bordeaux en 1841 et décédé à Paris en 1884.

Le 6 juin 1904, Émile Blémont, compagnon littéraire, collaborateur et ami intime du disparu, voulut bien compléter ce don par des documents nouveaux. Le fonds Valade constitue une source précieuse pour l'étude de l'école parnassienne dont le poète d'A mi-côte fut un des représentants les plus séduisants et les plus dignes d'intérêt.

Ami de Verlaine, de François Coppée et de Rimbaud, Valade fréquenta le salon de Louis Xavier de Ricard et celui de Nina de Villars. Il suivit aussi les samedis de Leconte de Lisle et les jeudis de Théodore de Banville. Enfin, il fut un des habitués du magasin de l'éditeur Alphonse Lemerre.

Réunies par les soins de Blémont, de Mérot et de Pelletan, les œuvres de Valade furent éditées en deux volumes chez Lemerre, en 1887 et 1890 (VALADE (Léon). Œuvres. Poésies. Avril, mai, juin. A mi-côte. — Paris, Lemerre, 1887 in-16. — VALADE (Léon). OEuvres. Poésies posthumes. Paris, Lemerre, 1890, in-16). Trente-sept autres poésies, sous le titre de Feuilles éparses, parurent dans la revue Le Penseur, numéros de janvier et de février 1904.

Les manuscrits du poète contiennent encore une quantité appréciable d inédits, notamment des Epigrammes et des Légendes pour une suite d'émaux, genre néo-grec et deux comédies en vers, L'amour va vite ou Un soir de printemps et Volte-face.

Les lettres reçues par Léon Valade comprennent trois volumes. Il y a deux cent trente pièces émanant de quatre-vingt-quatre correspondants. Les plus précieuses, celles de Verlaine, ont été publiées par Van Bever dans le tome 1^er de sa Correspondance du poète de Sagesse (En plus des manuscrits de son frère, André Valade-Gabel fit don à la Bibliothèque municipale d'une collection d imprimés provenant de Léon VALADE et relative à son œuvre. Ce sont : 1^oOEuvres. Critique [coupures de journaux], in-8^o, 2 vol. [B 10514]. — 2^oCritique littéraire [coupures de journaux], in-4^o, 1 vol. [B 1693] ).

III. Fonds Lamontaigne (Ms. 1696 (I à XXXVI). — Cf. Chronique bordelaise de François de Lamontaigne, conseiller au Parlement. Texte inédit publié par la Société des Bibliophiles de Guyenne [et Paul Courteault]. Bordeaux, imprimeries Delmas, Chapon et Gounouilhou, 1926, in-8^o, XXXI-191 p. Nous empruntons les éléments de cette notice à l'introduction rédigée par M. Paul COURTEAULT).

François de Lamontaigne (18 novembre 1724-19 avril 1812), conseiler au Parlement de Bordeaux, neveu de Montesquieu par sa mère Marie Guinacher d'Armajan, fut, comme l'a écrit Camille Jullian, « le dernier représentant de cette race de parlementaires, à laquelle appartenait Montesquieu, et qui avait repris au XVIII^e siècle la tradition de leurs ancêtres de la Renaissance, de La Chassaigne et de Raymond » (JULLIAN (Camille). Inscriptions romaines de Bordeaux. Bordeaux 1887-1890, 2 vol., in-4^o, t. II, p. 386).

Lamontaigne joua un rôle particulièrement actif au sein de l'Académie et s'intéressa au développement de la Bibliothèque, ouverte au public en 1740. Lorsque vint la Révolution, il sauva les registres des délibérations de l'Académie et une partie importante de ses archives. Luimême s'était constitué une collection composée de manuscrits originaux, de lettres et de notes relatives à des sujets d'histoire ou d'archéologie. Il avait fait exécuter une copie des registres secrets du Parlement de Bordeaux (25 mai 1626-12 juillet 1628) (Ms. 369, t. VIII et IX) ; il possédait le « Registre de la Chambre de justice de Guienne établie à Bordeaux en 1582 », acquis par la Bibliothèque municipale à la vente de la Bibliothèque Lamontaigne en 1857 (Ms. 379).

Le fonds ainsi constitué par Lamontaigne fut acquis, en 1884, par la ville de Bordeaux, pour cinq mille francs, sur un rapport présenté au Conseil municipal par H. Barckhausen, adjoint à l'instruction publique. Ces manuscrits avaient été examinés par R. Céleste, alors sous-bibliothécaire de la ville, qui en avait reconnu l'intérêt. L'acquisition fut complétée peu après par un don d'Augustin Goua, de Langon.

En dehors des archives personnelles de Lamontaigne (correspondance, rapports présentés au Parlement, etc.), la collection comprend une partie des archives de l'Académie de Bordeaux, parmi lesquelles vingt-sept lettres de (ou à) Montesquieu (Ces lettres ont été publiées par M. GÉBELIN dans sa Correspondance de Montesquieu. Bordeaux, 1914, 2 vol., in-4^o (publication de la Société des Bibliophiles de Guyenne)) et les registres de délibérations et de comptes de l'Académie. Ainsi se trouve complétée la collection des 107 volumes des Mémoires de l'Académie de Bordeaux, inventoriée au premier catalogue sous le n^o 828.

Le classement de ce fonds important (il comprend au total plus de 3.000 pièces) a été commencé par Communay (COMMUNAY a tiré du fonds Lamontaigne le Journal de Jacques de Filhot et l'a publié, en 1887, dans l'Ormée à Bordeaux. Il avait déjà largement exploité les notes biographiques sur les magistrats bordelais dans son étude sur Le Parlement de Bordeaux, parue en 1866. Camille JULLIAN utilisa les notes épigraphiques et archéologiques réunies par Lamontaigne dans ses Inscriptions romaines de Bordeaux) quelques années après son acquisition et achevé, en 1913, par M. Gébelin qui en a dressé l'inventaire.

IV. Fonds Fernand Lafargue (Ms. 1747-1778. Cf. LARMANDIE (DE). Notes de psychologie contemporaine. Un homme de lettres. Fernand Lafargue. Paris, chez l'auteur, 1904, 1 vol., in-12, 116 p. ).

En 1904, la veuve du poète bordelais Fernand Lafargue (1856-1903) donnait à la Bibliothèque municipale un exemplaire de chacun des volumes publiés par le poète. Quinze ans plus tard, elle tenait à compléter ce don en offrant les manuscrits originaux des œuvres de son mari, « en remerciement du monument érigé par souscription dans le Jardin public à la mémoire du romancier bordelais Fernand Lafargue ».

A côté des œuvres publiées par Fernand Lafargue figurent dans ce fonds des fragments d'une nouvelle, Sur la route, et d'un roman, L'erreur sentimentale, restés inachevés (Ms. 1751). La correspondance, qui groupe près de 2000 lettres, constituera une source essentielle pour qui voudra étudier 1 œuvre du poète et romancier bordelais.

V. Les manuscrits de Montesquieu (Ms. 1866-1870).

A la mort de Montesquieu, en 1755, son fils Jean-Baptiste hérita de ses manuscrits ; il refusa d'en communiquer les nombreuses pages inédites aux éditeurs des œuvres complètes, en 1758. En 1790, Jean-Baptiste Secondat émigra en Angleterre, emportant avec lui les précieux manuscrits. Il mourut en exil, en 1795, et les documents passèrent entre les mains de Laîné qui, en 1801, les remit au fils de Jean-Baptiste, Charles. Celui-ci les déposa à Londres où ils restèrent plusieurs années après sa mort. Les manuscrits reprirent alors le chemin du château de La Brède où ils furent accrus par la suite de quelques pièces égarées que put racheter la famille. En 1891, le baron de Montesquieu décida de publier les œuvres de Montesquieu restées inédites et confia le soin de cette édition à la Société des Bibliophiles de Guyenne.

Revenus à La Brède, les manuscrits de Montesquieu y restèrent jusqu'en 1939. A cette époque, un jugement du tribunal civil de la Seine les voua à la dispersion, pour un règlement de famille, « en vue de cessation d'indivision ».

La nouvelle de la mise en vente des manuscrits de Montesquieu provoqua dans tous les milieux intellectuels une vive émotion.

A Bordeaux, un comité réunissant les personnalités politiques et intelectuelles fut rapidement constitué. Par la voie de la presse, il multiplia ses appels aux donateurs et fut entendu : en quelques jours plus de 100.000 francs furent réunis auxquels s'ajouta une importante participation de la ville de Bordeaux.

La vente eut lieu le jeudi 23 janvier 1939 à l'Hôtel Drouot par le ministère de M^e Henri Baudouin et de M^e Étienne Ader, assistés de M. Pierre Cornuau (Cf. Manuscrits de Montesquieu. L'Esprit des lois. Réflexions et Pensées. Voyages. Considérations sur les Romains. Mélanges. Histoire véritable. Dossiers sur les Lettres persanes. Correspondance de Montesquieu et à lui adressée, etc. Paris, Pierre Cornuau, 1939, in-8^o 49 p., 24 pl. ). Un accord était intervenu entre la Bibliothèque nationale, représentée par son administrateur général, M. Julien Cain, et la Bibliothèque municipale de Bordeaux, représentée par son bibliothécaire en chef, M. André Masson.

Le manuscrit de la première version de L'esprit des lois fut adjugé à la Bibliothèque nationale. La Bibliothèque municipale de Bordeaux acquit les Réflexions et pensées pour 101.000 francs, le Spicilegium pour 10.100 francs et trois lots de la correspondance de Montesquieu comprenant 36, 8 et 294 lettres pour la somme de 56.500 francs (On a groupé avec la description de ces manuscrits, l'indication de leurs éditions).

Ainsi la totalité des Manuscrits de Montesquieu restait en France et la presque totalité dans des dépôts publics accessibles à tous, la Bibliothèque nationale et la Bibliothèque municipale de Bordeaux. Une exposition organisée à la Bibliothèque municipale, au mois d'avril 1939 (Cf. Ville de Bordeaux. Exposition des manuscrits de Montesquieu acquis à la vente du 23 février 1939 accompagnés d'un choix de livres, estampes et œuvres d'art relatifs à Montesquieu et à ses amis (Catalogue dressé par A. MASSON). Bordeaux, Delmas, 1939, 1 vol., in-8^o, 52 p., 8 pl. ), permit de faire connaître au public bordelais ces précieux manuscrits que sa générosité avait permis d'acquérir.

VI. Le fonds Tristan Derème (Ms. 1881-1884).

Ce fonds est formé des manuscrits ayant appartenu au poète Tristan Derème ; il a été légué à la Bibliothèque municipale de Bordeaux, en 1945, par les familles Huc et Gautrot. Le classement n'en étant pas achevé au moment de livrer ce catalogue à l'impression, on trouvera seulement ici, sous les n^os 1881 à 1883, l'analyse des « répertoires » et « extraits » du poète et celle de la correspondance qu'il a reçue. Le n^o 1884 est réservé aux autres papiers de Tristan Derème, c'est-à-dire essentiellement aux manuscrits de ses articles qui sont en cours de classement.

La correspondance reçue par le poète est particulièrement intéressante par la variété de ses correspondants parmi lesquels on retiendra les noms d'Aurel, de Francis Carco, de Pol Neveux, d'Anna de Noailles, de Jacques Rivière, etc.

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Ces quelques indications sur les principaux fonds qui constituent ce second supplément au catalogue des manuscrits ne sauraient faire oublier les nombreux dons qui, pour être moins importants, ne doivent cependant pas être passés sous silence. Le fonds Pierre Lacour (ms. 1609-1619), les dons faits par Gustave Brunet (ms. 1579 et 1580), Alfred Leroux (ms. 1671 à 1673 ; 1683 et 1684), Hovyn de Tranchère (ms. 1675 et 1676), Billaudel (ms. 1687-1690), Paul Fourché (ms. 1691), le vicomte de Pelleport-Burète (ms. 1798 à 1821), Hippolyte Minier (ms. 1823 à 1853), M. Pierre Dulaurens (ms. 1876) méritent eux aussi de retenir l'attention et prouvent l'intérêt porté par les Bordelais à leur Bibliothèque.

Indiquons enfin que les notices de ce catalogue ont été rédigées par les conservateurs qui se sont succédé à la tête de la Bibliothèque municipale de 1904 à 1949 : Raymond Céleste, M. Gébelin, Jean de Maupassant, M. André Masson. Mon rôle s'est borné à mettre au point le texte de certaines notices et à rédiger l'introduction et les derniers numéros (ms. 1876 à 1883) de ce second supplément au catalogue des manuscrits.

Louis DESGRAVES.