« Cartulaire d'Artois. » Au dos

Le catalogue de manuscrits qui va suivre comprend à la fois ceux de la Bibliothèque et des Archives communales de Lille, services pendant longtemps réunis (Les manuscrits portés au catalogue Le Glay sous les numéros 243 : Recueil d'actes passés devant échevins de la ville de Lille, 1404-1405, et 266 : Cartulaire original de la même ville, connu sous le nom de Livre Roisin, ont été réintégrés dans les séries des archives). Ces manuscrits proviennent des établissements religieux supprimés à la Révolution, des émigrés, de dons et d'acquisitions.

L'arrondissement de Lille avait dans son ressort plusieurs abbayes, couvents, chapitres et hôpitaux célèbres. Voici l'indication de ceux qui ont contribué à constituer le dépôt de Lille.

Abbaye de Cysoing. — Cette abbaye, fondée par Evrard, gendre de Louis le Débonnaire, recevait, vers 869, un don de livres du prêtre Walgaire :

Advocatio Walgarii, sacerdotis, facta ecclesie Cysoniensi... (Ce document a été imprimé, à diverses reprises, et en dernier lieu par C. Dehaisnes : Documents et extraits divers concernant l'histoire de l'art dans la Flandre, l'Artois et le Hainaut avant le XV^e siècle. Lille, 1886, p. 12. L'extrait que nous en donnons, tiré du manuscrit 623, fol. 26, écrit au XVI^e siècle et provenant de l'abbaye de Cysoing, présente une variante avec les textes déjà publiés).

...Libros etiam infra scriptos, videlicet : Bibliothecam unam ; Omelias per annum ; Missale ; Moralia Job ; Sacramentorum libros ; Passionalem ; De vita honesta libros XVIII ; Vitas Patrum ; Bedam super Apocalipsim et super septem epistolas canonicas ; Librum officiorum ; Glosarium unum de diversis sententiis in precipuis festivitatibus legendis ; Antiphonarios II ; Omelias Gregorii in Ezechiel prophetam.

39 manuscrits proviennent de cette abbaye et du prieuré de Beaurepaire en dépendant.

Abbaye de Phalempin. — Fondée dans la première moitié du XI^e siècle par le châtelain de Lille, cette abbaye n'a fourni que 5 manuscrits.

Abbaye de Loos. — Sanderus a publié, dans sa Bibliotheca Belgica manuscripta, le catalogue qui a été réimprimé par M. Le Glay, en appendice au Catalogue des manuscrits de la Bibliothèque de Lille (p. 335-373), des manuscrits de cette abbaye, fondée par Thierry d'Alsace. Ils étaient au nombre de 159, conservés dans la bibliothèque du couvent et chez l'abbé. 59 manuscrits, cités ou non par Sanderus, proviennent de cette abbaye.

Abbaye de Marquette. — Cette riche abbaye, qui avait reçu les sépultures de Fernand de Portugal et de Jeanne de Constantinople, ses fondateurs, n'a fourni qu'un seul manuscrit ; mais elle avait été pillée au XVI^e siècle.

Couvent des Dominicains de Lille. — Peu de temps après sa fondation, ce couvent recevait de Jeanne de Constantinople et de Wautier de Marvis, évêque de Tournai, un don important d'ouvrages théologiques. Il n'est pas sans intérêt de donner le texte de la lettre de Hugues de Saint-Cher (5 mars 1250), usufruitier du legs fait par Jeanne de Constantinople aux Dominicains de Lille :

Universis praesentes litteras inspecturis, frater Hugo, miseratione divina tituli Sanctae Sabinae praesbiter cardinalis, salutem in Domino sempiternam. Noverit universitas vestra quod libri qui sunt inferius annotati sunt fratrum ordinis nostri de Insula, quorum usus nobis tantum ad vitam nostram concessus est, proprietas autem collata est totaliter fratribus de Insula memoratis ab illustri domina Joanna, bonae memoriae, quondam Flandriae et Hannoniae comitissa, ita quod libri illi post nostrum decessum debent in domo Praedictorum fratrum ad studium fratrum perpetuo permanere ; nec possunt alienari etiam per ipsos fratres memoratos, nec transferri extra Flandriae comitatum, nisi forte ad tempus aliquis pro domo illa studens Parisiis vel alibi usum illorum haberet ibidem : libros autem ipsos ad majorem certitudinem hic duximus exprimendos, videlicet : Psalterium glossatum, in uno volumine ; epistolas Pauli glossatas, in uno volumine ; libros Salomonis glossatos, in uno volumine ; Summam quamdam grossae litterae fratris Remundi postillatam, in uno volumine ; Bibliam quamdam magnam, in duobus voluminibus ; Missale notatum, in uno volumine ; Sermones quosdam ab Adventu Domini usque ad Pentecosten vel usque ad festum Trinitatis, in uno volumine. In praedictorum autem testimonium et munimen praesentes litteras tradidimus sigilli nostri impressione munitas. Datum Lugduni, tertio nonas martii, pontificatus domini Innocentii papae quarti anno septimo, et appendebat sigillum ex cera viridi (Ces documents se trouvent dans les manuscrits 676, 678 et 679 ; les originaux n'existant point aux Archives départementales, dans le fonds des Dominicains, nous avons reproduit le texte des n^os 676 et 679, qui est plus correct).

Le don de livres fait par Wautier de Marvis est attesté par l'acte qui suit :

W[alterus], Dei gratia Tornacensis episcopus, omnibus presentes litteras inspecturis, salutem in Domino. Ex testimonio dilectorum in Christo prioris et fratrum Predicatorum Sancti Jacobi de Insula constare potest de facili quod libros ecclesie et libros glosatos fere omnes et quosdam alios, qui in eadem domo habentur, fecimus comparari de propria nostra pecunia, seu de quadam pecunia nostre ordinationi commissa, et quidquid fratres ad volontatem (sic) nostram habent usum et custodiam predictorum librorum. Volumus autem finaliter et in hoc voluntas nostra fixa est et firmata quod fratres Predicatores apud Insulam commorantes ad usus suos habeant libros prefatos et eos teneant quamdiu voluerint, sed eos alienare non pote[runt] nec ferre extra diocesim Tornacensem, nisi forsitan aliis predictorum librorum propter lectorem prefate domus de Insula in studio commorantem vel propter correctionem eorumdem librorum ad locum studii deferantur ad tempus. Ut hec igitur firma permaneant, presentes litteras scribi fecimus et sigilli nostri munimine roborari. Datum Parisius anno Domini millesimo ducentesimo tricesimo secundo.

7 manuscrits proviennent de ce couvent.

Couvent des Récollets de Lille. — Quelques années après les Dominicains, les Récollets venaient s'établir à Lille. Leur couvent, qui a abrité, pendant la Révolution et après, les richesses littéraires et artistiques des établissements supprimés, n'a fourni que 4 manuscrits.

Chapitre de Saint-Pierre de Lille. — Ce chapitre, fondé par Baudouin de Lille, possédait une bibliothèque dont l'inventaire avait été dressé en 1397 (Publié in extenso par C. Dehaisnes, loc. cit., p. 751). Chaque volume avait été marqué d'une lettre et d'un numéro d'ordre.

A partir du XVII^e siècle, la bibliothèque de Saint-Pierre prit un nouveau développement et elle s'enrichit des livres de M. le prévôt de Valory. 67 manuscrits proviennent de cette bibliothèque.

Hôpital Comtesse de Lille. — Cet hôpital, dénommé Comtesse, en souvenir de sa fondatrice Jeanne de Constantinople, a fourni 12 manuscrits. D'après les chroniques, sa bibliothèque aurait été détruite, au XV^e siècle, par un incendie.

D'autres maisons religieuses existaient à Lille : Carmes, Minimes, etc. ; mais il ne reste que peu ou point de leurs manuscrits.

La collection lilloise, héritière de riches et antiques établissements, est relativement pauvre ; mais Ignace Delfosse, dans son Histoire de l'abbaye de Loos, t. IV, p. 481, n^o 619, a pris soin de nous en indiquer la cause En parlant du catalogue des manuscrits envoyé à Sanderus, il dit : « L'on auroit dû au moins les conserver prétieusement après la perte que nous avions faitte de tant d'autres, mais c'est ce que l'on n'a point fait, car il s'en faut bien que nous ayons aujourd'huy tous ceux qui sont rapportez dans ce catalogue. Nous nous plaingnons et avec raison du tort que les hérétiques et les armées qui ont pillé plusieures fois notre maison, nous ont fait en cela, et nous-mêmes nous négligeons de conserver les prétieux restes d'un si riche trésor. »

Les bibliothèques des émigrés leur ont été remises après leur rentrée en France ; toutefois certains volumes paraissent provenir de cette source.

On aurait été en droit d'espérer que, réunis dans un dépôt commun, les manuscrits auraient été sauvegardés, et cependant la plupart ont été dépouillés de leurs vieilles reliures ; plusieurs, surtout ceux à miniatures, ont subi des mutilations sérieuses ; les livres de chant ont été détruits officiellement au commencement du siècle ; d'autres manuscrits ont dû être vendus, témoin le n^o 490 qui, de la Bibliothèque communale, était entré dans la collection Ducas.

Dans son Mémoire sur les bibliothèques publiques et les principales bibliothèques particulières du département du Nord, M. Le Glay signalait les richesses conservées, en 1841, chez bon nombre d'amateurs de la région. La plupart de ces bibliothèques ont été dispersées ; deux ont enrichi les collections lilloises, et elles sont dues à la libéralité de M. Desmazières et de M. le marquis de Godefroy-Ménilglaise.

Les autres donations ont été peu nombreuses ; nous les avons citées chaque fois que cela nous a été possible.

Divers catalogues des manuscrits de Lille ont déjà été publiés.

Le premier en date (1828), qui n'est qu'une simple nomenclature, est dû au baronnet Thomas Phillipps. Haenel l'a reproduit dans son Catalogi librorum manuscriptorum (col. 178-190). M. Arthur Dinaux, dans les Archives historiques, nouvelle série, t. II, p. 461-503, l'a annoté et complété.

M. P. Lafuite, ancien bibliothécaire, a rédigé les catalogues des belles-lettres et des sciences et arts. Ils figurent à la fin des catalogues imprimés de ces deux séries. Enfin, en 1848, M. Le Glay a publié un catalogue détaillé des manuscrits de la Bibliothèque de Lille.

M. Couderc, sous-bibliothécaire au département des manuscrits de la Bibliothèque nationale, a eu l'obligeance de faire pour nous quelques recherches dans ce riche dépôt.

H. RIGAUX.